Séance de lecture...

Asahi regarda sa montre. Avec une moue, elle observa l'extérieur de la bibliothèque. Elle était dans les temps, normalement. Elle hésitait à entrer, mais un groupe de personnes particulièrement bruyant la décida. Elle leur adressa un regard de mépris, son éternel sourire aux lèvres, et pénétra dans la chaleur du bâtiment. Bien que se soit un endroit clos, Asahi avait l'impression d'être bien plus libre qu'à l'extérieur. La vérité étant qu'il y avait peu de personnes qui venaient lire ou faire des recherches, et que le silence était de rigueur. La plupart du temps.
La jeune fille alla au comptoir près de l'entrée et y déposa un livre. Elle lisait la plupart du temps chez elle. Elle se dirigea vers une étagère, et chercha du regard un ouvrage susceptible de l'intéresser. Le moindre bruit paraissait amplifié dans le calme de la bibliothèque, mais Asahi n'en faisait pas moins pour autant. Ses talons qui claquaient sur le sol, la chute de quelques livres parfois, ou même un juron qui lui échappait parfois résonnait parmi les nombreuses allées. Elle était toujours elle. Pas de respect pour les autres, seulement pour elle.
Elle referma bruyamment le livre qu'elle tenait à la main, tout en soupirant.

"C'est pas vrai...Inintéressant au possible. Pourquoi est-ce qu'on trouve jamais ce qu'on veut ?"

Quelques visages se tournèrent vers elle. Dans un sourire, elle se saisit d'un autre ouvrage, et le feuilleta. Elle répéta l'opération plusieurs fois, avant de pousser une exclamation joyeuse. Elle alla s'installer dans un fauteuil, croisa les jambes, et plongea dans sa lecture. Son livre était intitulé "Dons et techniques magiques : lexique". Au bout de quelques minutes, elle se mit à pouffer. En reprenant son sérieux, elle changea de position, et lut avec attention. Elle savait que cela pouvait être intéressant de connaître des techniques de base. Les apprendre serait bien plus difficile...

Il fait si beau dehors, que s'en est dégoûtant. C'est nul, le soleil. Ca te gratte, ça t'apporte des rougeurs et puis, il fait chaud, tout simplement. C'est vraiment pas un temps où je peux me balader en kimono. Hier, il faisait tempête, et là, il fait bien beau ! Pourquoi le temps est si injuste. Nekoyono, lui, n'avait pas de soucis à se faire hein ! Il dort 24 heures sur 24, il est impossible. Bon, j'arrête de rouspéter. Pourquoi je suis là, à traîner dans les rues ? Je me balade et je regarde juste les environs. L'air commençait à se faire lourd soudainement et ... Le ciel se voila. Il se soulagea surtout ! Oui ! Soudainement, une pluie battante tomba. Les gens se ruèrent pour entrer dans le premier bâtiment qu'ils trouvèrent. Je ne voulais pas que mon nouveau gros noeud rouge soit sali, alors j'entrais, sans hésiter, moi aussi, dans le premier lieu public que j'ai rejoint. C'était hm ... Attendez ... Oui, voilà. C'était une bibliothèque. Excusez mon absence de savoir, mais je n'allais jamais dans une bibliothèque, d'ici là. Enfin, que rarement. J'aime pas. C'est trop trop trop silencieux. Mais des fois, y'a aussi trop trop trop de bruits. Je sais, je suis exigeante. M'enfin bon, je vais pas me plaindre, je suis à l'abri du déluge qui déferle dehors, c'est déjà ça. Même mon chat est là, lui qui déteste tant la pluie. Il est censé être interdit mais bon. Il y avait peu de monde ici. Le silence était de rigueur en plus. Que des gens absorbés par leur ouvrage, qui était posé sur la table, ou entre leurs mains. Je soufflais un soupire et marchais à travers les rayons.
Je sentais une âme de Black.END tout près, pendant ma marche. Je tournais la tête, et vis une jeune fille rouspéter et lancer des jurons, en fouillant parmis les différents livres exposés. Je la fixais du regard, mon chat toujours dans mes mains. Ce dernier poussa un petit cri qui pestait le temps, et recommença à s'endormir. N'ayant rien de mieux à faire, je suivis la jeune fille à l'allure sombre et glaciale. Quand enfin elle trouva son bonheur et s'asseya, je fis de même, m'asseyant sur le fauteuil à côté, en souriant. La fille semblait absorbée et le silence planait toujours. Quelquefois brisé par ses rires. M'ennuyant comme toujours, attendant la fin de cette pluie, je me penchais sur son épaule, lui faisant un sourire enfantin et malicieux :

<< C'est bien ce que tu lis, madame ? >>

Asahi avait étouffé un baillement, puis passé plusieurs pages. Parler aux animaux, faire tomber la pluie, ce genre de dons ne l'intéressait pas. Il y avait un côté merveilleux qui ne pouvait que l'exaspérer. Néanmoins concentrée dans sa lecture, elle n'avait pas remarqué la présence d'une jeune fille près d'elle. Elle passa à la page suivante. La maîtrise de la glace...Ca pouvait être amusant. Sûrement trop difficile à apprendre, ou du moins, trop long. Elle porta son regard sur la première page, et commença sa lecture. Soudain, un souffle près de son oreille la fit sursauter. En même temps, elle ne put s'empêcher de pousser un petit cri. Asahi se retourna brusquement, les yeux écarquillés. Elle se trouva nez-à-nez avec une jeune fille, vêtue d'un kimono. Son air de surprise de transforma en colère, puis en grimace. Elle déplaça son fauteuil, afin de voir en entier son interlocutrice. Elle remarqua qu'elle était jeune. Elle ne fit pas d'estimation, elle n'était pas douée pour ça, mais elle trouvait qu'elle avait l'air plus jeune qu'elle. Elle vit un chat noir, blotti dans ses bras. Son livre dans ses mains, elle le posa ouvert contre la table. Elle fronça les sourcils. La jeune fille était une Black.END, sans aucun doute. Quelques minutes passèrent. Asahi se demanda si elle allait l'ignorer. Mais vu ce qu'il s'était passé, elle n'avait pas envie de ressentir de nouveau le souffle de la jeune fille sur elle. De plus, maintenant qu'elle avait remarqué sa présence, il lui serait difficile de l'ignorer. Surtout que l'inconnue la fixait. Avec un petit sourire qui plus est.

"Heu...On se connait ?"

Elle n'avait pas l'habitude d'être sympathique avec qui que se soit, Black.END ou non. Elle n'était pas du tout intéressée par ce que lui voulait son interlocutrice. Elle était seulement intriguée par le fait qu'une petite fille ose lui parler.

Avant que la mademoiselle prit conscience que j'étais par-dessus de son épaule, en train de lire son livre, je regardais par la fenêtre. La pluie ne cessait toujours pas, faisant son plic plic habituel. Je fixais les mêmes pages que la jeune femme, et on aurait pu croire que c'était ma soeur ou quelque chose comme ça. Tiens ? On dirait qu'elle s'est enfin rendue compte de ma présence. Elle s'éloignait de moi, en poussant un petit cri. J'ai dû la surprendre, la pauvre. Elle commençait à grimacer, ce qui contrariait mon petit sourire. Elle s'éloigna un peu, mais, plus elle s'éloignait, plus j'avançais vers elle. En clair, je maintenais toujours le même écart entre nos deux personnes, toujours mon Nekoyono entre les bras. Mon chat miaula discrètement, pour saluer la madame. D'une voix froide, elle me demandait :

<< Heu...On se connait ? >>

Je fis un signe non de la tête, toujours la bouche souriante, en forme de chat, si je peux dire. J'avais pas envie de répondre avec ma voix. Mais bon, il fallait bien que je maintienne aussi un dialogue avec la dame. Je m'approchais encore d'elle, puis du livre posé sur la table, à côté. Je répondais, d'une voix amicale, comme si elle et moi étions amies depuis notre enfance :

<< Bah non on se connaît pas ! J'ai pas besoin de te connaître pour te parler ! >>

Oui, j'osais la tutoyer. Je n'aime pas trop vouvoyer, même si c'est par respect. Je pris le livre et je tournais les pages, en soufflant dessus. Mon chat grimpait sur la table, pour laisser à disposition mes deux mains. Je parcourais le livre de tout à l'heure, m'arrêtant des fois pour lire quelques paragraphes. D'un ennui prennant, je le refermais fermement, sous un grand bam. Je me retournais vers la dame, faisant une mine de gamine qui jouait sa petite boudeuse capricieuse :

<< C'est nul ! Au faite, tu t'appelles comment, madame ? >>

La jeune fille s'approchait dangereusement. De nouveau, Asahi fit la grimace. Elle se recula encore un peu.

"Bah non on se connaît pas ! J'ai pas besoin de te connaître pour te parler !"

Asahi se figea. Justement, avec elle, il fallait qu'on la connaisse pour lui parler. Or, son raisonnement logique l'avait conduite à une évidence inattaquable. Puisqu'il fallait parler à une personne pour la connaître, mais la connaître pour lui parler, aucun individu ne lui adressait la parole. En temps normal tout du moins. Le "Tu" la fit grincer des dents. On ne pouvait imaginer s'adresser à elle, et encore moins la tutoyer.
Elle tenta cependant de garder son calme. C'était une enfant. Ils pouvaient faire des erreurs. Elle plissa les yeux, et l'observa. Elle avait l'air plutôt à l'aise. Asahi la regarda lire l'ouvrage qu'elle tenait entre ses mains, et reporta son attention sur le chat, qui était monté sur la table. Elle ne devait négliger aucun ennemi potentiel. Elle avait déja eut des démélés avec de simples animaux, et elle s'en souvenait parfaitement.

"C'est nul ! Au faite, tu t'appelles comment, madame ? "

Wow. Nouvelle grimace. Madame. Même si c'était plus respectueux que "tu", elle avait l'impression d'être une vieille femme.

"Hey...Je crois qu'il faudrait éviter le "madame". Je suis majeure depuis seulement quelques mois, okay ?"

En retournant sa phrase dans son esprit, elle se rendit compte qu'elle avait été trop gentille. Mauvaise initiative. On profitait souvent de ce genre d'erreurs pour continuer la discussion encore plus loin. Et tenter de se lier.
Un frisson lui parcourut le dos. Elle porta de nouveau son regard sur la petite fille, et fronça les sourcils.

"Mademoiselle Reigetsu pour toi."

Elle ferma les yeux quelques secondes, puis les rouvrit. Pas son nom. Il la répugnait.

"Mademoiselle Asahi plutôt."

La jeune madame qui se tenait devant moi semblait figée, comme prise de court. Elle fit son petit défilé de grimaces, ce qui m'amusa fortement. Trop marrante. Elle m'expliqua qu'elle était majeure. Et alors ? Ca m'importe peu, ce genre de détail. Mais bon, j'allais pas trop l'énerver, sinon je sens que ça va me retomber dessus. Je lui souriais, en haussant les épaules. Elle commença à me dire son nom, puis son prénom. Pourquoi ? Pourquoi me disait-elle son nom, puis son prénom ? Ha, je suis bête. Peut-être n'aime-t-elle pas son nom. Je penchais la tête, comme un petit chaton qui demandait et attendait son bol de lait.

<< Mademoiselle Asahi ? >>

Bouha. Je grimaçais à mon tour. Trop long à dire. Trop ... Sec aussi. J'aime pas. Ca fait trop bizarre. Nekoyono tournait les pages de l'ouvrage qui était toujours sur la table. Il le griffonnait légèrement, mais les dégâts étaient visibles. Pour éviter trop d'embrouilles, je repris mon chat, l'installant entre mes bras. Je souriais, d'un sourire enfantin, à Asahi :

<< Asahi-chan, plutôt. C'est plus mignon ! >>

Cette dernière parole pouvait vraiment me donner un air encore plus enfantin que celui que j'ai déjà. Jouons le tout pour le tout, va-t-elle être captivée par mon faux moi ? A voir, mais je pencherais plutôt pour le non.

Asahi jeta un regard mauvais à la petite, qui penchait la tête. Elle rejeta ses cheveux désordonnés en arrière, et posa son coude sur la table.

"Mademoiselle Asahi ?"

Elle posa son menton dans sa main, avant d'émettre un petit soupir.

"C'est ça. Mademoiselle Asahi."

Elle reporta son attention sur le livre, et tourna une page. Elle tentait d'ignorer la présence de la jeune fille, en vain.

"Asahi-chan, plutôt. C'est plus mignon !"

Sa première réaction fut la surprise. Asahi-chan ? Trop bizarre. Une étrange sensation se propagea dans sa poitrine. Asahi-chan. Vraiment bizarre. On ne l'avait jamais appelée comme ça. Pas une seule fois. Sa famille...Elle secoua la tête. Hors de question de se rappeler de ce genre de souvenir. Elle risquait de se mettre très en colère, et de détruire involontairement des choses qui pouvaient lui être utiles. En l'occurence, le bâtiment auquel elle tenait le plus proche : la bibliothèque. Néanmoins, elle esquissa un petit sourire, avant de se reprendre.

"Si tu veux. Mais je ne suis pas sûre que ça te servira. Je doute qu'une fois sortie de cette bibliothèque, ce que je ne vais pas tarder à faire si ça continue, on se recroise à nouveau. Et si c'était le cas, je ne t'adresserais sûrement pas la parole."

Elle jeta un coup d'oeil au chat noir de la demoiselle, avant de revenir sur son visage enfantin. Celui-ci était fendu par un sourire, naïf et candide. Asahi haussa les sourcils et continua son discours. Elle se moquait totalement de savoir si ce qu'elle disait intéressait son interlocutrice.

"Tu sais pourquoi ? Parce que je suis méchante. C'est clair ? Je me fiche pas mal des gens qui marchent dans la rue, de ceux qui me parlent, de ceux qui m'ignorent. La chose la plus importante à mes yeux, c'est moi. Je suis une égoïste. Et j'en suis fière. J'ai déja frappé des enfants, et je recommencerai. Je suis une Black.END machiavélique, et totalement mauvaise."

Elle leva les bras vers le plafond et s'étira en laissant échapper un petit "Nyah...". Elle pencha la tête, les yeux mi-clos, son livre ouvert sur une page vierge. Elle afficha de nouveau son petit sourire mesquin, qui rendait mal à l'aise. Comme si elle voulait compenser ce manque de dureté, cette faiblesse dont elle avait été la victime quelques minutes plus tôt. Un silence s'installa. Asahi se saisit d'une de ses mèches rebelles, et commença à l'entortiller autour de ses doigts.